Le Processus de Bologne : Origines et Contexte
Le Processus de Bologne : Origines et Contexte
La nĂ©cessitĂ© d’une intĂ©gration acadĂ©mique en Europe
Dans le contexte d’une Europe qui se rapproche politiquement et Ă©conomiquement après la Seconde Guerre mondiale, le secteur de l’éducation, et en particulier l’enseignement supĂ©rieur, a jouĂ© un rĂ´le central dans la construction d’une identitĂ© europĂ©enne commune. En 1957, la crĂ©ation de la CommunautĂ© Ă©conomique europĂ©enne (CEE) via la signature du traitĂ© de Rome marque le dĂ©but d’une coopĂ©ration Ă©troite entre les pays europĂ©ens sur divers plans. Cependant, les systèmes Ă©ducatifs europĂ©ens restent largement fragmentĂ©s, chaque pays conservant ses propres structures d’enseignement supĂ©rieur.
Le TraitĂ© de Maastricht en 1992 (qui crĂ©e officiellement l’Union europĂ©enne) marque une nouvelle Ă©tape pour la coopĂ©ration en matière d’éducation et de formation professionnelle. Il reconnaĂ®t l’Ă©ducation comme un domaine d’intĂ©rĂŞt commun. La fin de la Guerre froide et la perspective de l’élargissement de l’Union europĂ©enne Ă l’Est intensifient la volontĂ© de coopĂ©ration pour renforcer la cohĂ©sion sociale et Ă©conomique Ă travers l’Europe.
Cependant, la diversitĂ© des systèmes d’enseignement supĂ©rieur pose des dĂ©fis pour la mobilitĂ© des Ă©tudiants et la reconnaissance des diplĂ´mes, tout en freinant la coopĂ©ration acadĂ©mique nĂ©cessaire pour rivaliser sur la scène mondiale avec des systèmes plus intĂ©grĂ©s, comme celui des États-Unis. Ces obstacles incitent les pays europĂ©ens Ă rĂ©flĂ©chir Ă des moyens de faciliter la coopĂ©ration acadĂ©mique et Ă prĂ©parer la voie vers un cadre commun pour l’enseignement supĂ©rieur, aboutissant finalement au Processus de Bologne en 1999.
Avant d’examiner ce processus, il est nĂ©cessaire de comprendre comment la coopĂ©ration acadĂ©mique s’est dĂ©veloppĂ©e en Europe dès les annĂ©es 1950 et comment des initiatives pionnières, comme le programme Erasmus, ont prĂ©parĂ© le terrain.
Les premières coopérations académiques en Europe (1950-1980)
L’idĂ©e d’une coopĂ©ration universitaire en Europe est donc nĂ©e bien avant le Processus de Bologne. Dès les annĂ©es 1950, plusieurs initiatives transfrontalières visent Ă encourager les Ă©changes d’Ă©tudiants et Ă rapprocher les institutions universitaires europĂ©ennes. La ConfĂ©rence de la Haye en 1955, organisĂ©e par l’Union europĂ©enne des fĂ©dĂ©ralistes, met notamment en avant l’importance de dĂ©velopper des liens acadĂ©miques en Europe pour renforcer la paix et la stabilitĂ©.
Dans les annĂ©es 1960 et 1970, les premières formes de mobilitĂ© Ă©tudiante apparaissent, souvent sur la base d’accords bilatĂ©raux entre universitĂ©s. Cependant, il n’existe pas encore de cadre europĂ©en commun pour rĂ©guler ces Ă©changes, et chaque pays, voire chaque Ă©tablissement, applique ses propres critères de reconnaissance des pĂ©riodes d’Ă©tudes Ă l’Ă©tranger. Ces Ă©changes restent donc limitĂ©s, principalement rĂ©servĂ©s Ă des Ă©tudiants d’élite ou Ă ceux qui suivent des programmes dans des domaines très spĂ©cialisĂ©s oĂą la coopĂ©ration internationale est plus courante.
La création du programme Erasmus en 1987
L’introduction du programme Erasmus en 1987 marque un tournant dans la coopération universitaire en Europe. Le programme, qui tire son nom du philosophe humaniste Érasme, est conçu pour encourager la mobilité des étudiants et renforcer les partenariats entre les universités européennes. Son lancement reflète une volonté de créer une véritable Europe des savoirs, où les frontières nationales, encore existantes, ne seraient plus un obstacle aux études et à la recherche.
Cependant, le succès d’Erasmus dans ses premières années est limité par des obstacles pratiques et institutionnels.
Reconnaissance des études : un défi majeur
Ă€ ses dĂ©buts, le programme Erasmus souffre de la fragmentation des systèmes Ă©ducatifs europĂ©ens. Chaque pays, voire chaque universitĂ©, a ses propres critères pour reconnaĂ®tre les Ă©tudes effectuĂ©es Ă l’Ă©tranger, et il n’existe pas encore de système harmonisĂ© comme les ECTS (European Credit Transfer System), qui seront introduits plus tard.
Les Ă©tudiants participant Ă Erasmus doivent souvent nĂ©gocier la reconnaissance de leurs cours Ă©trangers avec leurs universitĂ©s d’origine, Ă travers des contrats d’Ă©tudes bilatĂ©raux (Learning Agreements). Pire, ce processus, parfois complexe, ne garantit pas toujours que les cours suivis Ă l’étranger seront reconnus une fois de retour dans leur pays d’origine.
Les premières mobilités étudiantes : qui en bénéficiait ?
Le programme Erasmus cible principalement les étudiants de niveau universitaire, et au départ, il concerne surtout ceux inscrits dans des disciplines où les échanges internationaux étaient déjà plus fréquents. Ainsi, les étudiants en langues étrangères, en sciences sociales, en sciences économiques, et en lettres sont les premiers à participer au programme. En revanche, les étudiants en sciences exactes et en ingénierie sont très peu nombreux.
Pourcentages des domaines d’Ă©tudes des premiers participants :
- Langues étrangères et études linguistiques : environ 40 % des étudiants en mobilité dans les premières années.
- Sciences sociales, sciences politiques et Ă©conomiques : environ 30 %.
- Sciences humaines et lettres : environ 15 %.
- Santé, sciences et ingénierie : environ 10 %, avec des difficultés accrues pour la reconnaissance des crédits dans ces disciplines.
Le programme Erasmus est donc, dans ses premières années, un outil principalement réservé aux étudiants de certaines disciplines. De plus, la mobilité est encore limitée par des contraintes financières, car les bourses Erasmus couvrent souvent une partie seulement des frais liés aux études à l’étranger.
L’évolution d’Erasmus et la nécessité d’un système harmonisé (1990-1999)
Face aux défis liés à la reconnaissance des études à l’étranger, et à mesure que la mobilité académique se développe, il devient clair qu’un système de transfert de crédits est nécessaire pour harmoniser la validation des périodes d’études effectuées dans un autre pays. En 1990, la Commission européenne lance un projet pilote pour tester un tel système : les ECTS (European Credit Transfer System).
Le système ECTS, dĂ©veloppĂ© dans les annĂ©es 1990, attribue Ă chaque cours un nombre de crĂ©dits en fonction de la charge de travail qu’il reprĂ©sente pour l’Ă©tudiant. Ce cadre standardisĂ© permet de rendre les Ă©tudes plus comparables entre diffĂ©rents pays et universitĂ©s. Il devient rapidement un outil clĂ© pour faciliter la mobilitĂ© Ă©tudiante.
L’introduction des ECTS résout partiellement le problème de la reconnaissance des études à l’étranger. Les crédits obtenus dans une université européenne peuvent désormais être transférés et reconnus dans une autre, facilitant ainsi la mobilité académique et encourageant plus d’étudiants à profiter du programme Erasmus.
La Déclaration de la Sorbonne et la préparation du Processus de Bologne
L’évolution de l’enseignement supérieur en Europe dans les années 1990, marquée par la montée en puissance d’Erasmus et l’introduction des ECTS, conduit les pays européens à réfléchir à une harmonisation plus large de leurs systèmes universitaires. En 1998, les ministres de l’Éducation de la France, du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de l’Italie se réunissent à Paris pour signer la Déclaration de la Sorbonne, appelant à une plus grande convergence des systèmes d’enseignement supérieur en Europe.
Cette dĂ©claration marque la première Ă©tape officielle vers la crĂ©ation d’un Espace europĂ©en de l’enseignement supĂ©rieur (EEES / En anglais : European Higher Education Area = EHEA). Elle souligne l’importance d’un cadre commun pour faciliter la mobilitĂ© Ă©tudiante, rendre les diplĂ´mes europĂ©ens plus comparables, et promouvoir l’attractivitĂ© des universitĂ©s europĂ©ennes sur la scène mondiale.
Le Processus de Bologne (1999)
En 1999, 29 pays europĂ©ens se rĂ©unissent Ă Bologne, en Italie, pour signer l’accord qui donne naissance au Processus de Bologne. Ce processus vise Ă crĂ©er un Espace europĂ©en de l’enseignement supĂ©rieur (EEES) en harmonisant les systèmes d’enseignement supĂ©rieur Ă travers l’Europe.
Les objectifs clés du Processus de Bologne incluent :
- L’adoption d’un système en trois cycles : Licence (Bachelor), Master, et Doctorat.
- L’utilisation du système ECTS pour faciliter la reconnaissance des études et la comparabilité des diplômes.
- L’assurance qualité dans l’enseignement supérieur.
- La promotion de la mobilité académique, à la fois pour les étudiants, les enseignants, et les chercheurs.
Le Processus de Bologne s’inscrit ainsi dans une logique plus large de renforcement de la compĂ©titivitĂ© des universitĂ©s europĂ©ennes face aux Ă©tablissements d’enseignement supĂ©rieur d’autres rĂ©gions du monde, notamment les États-Unis et les pays asiatiques en pleine Ă©mergence.
Le Processus de Bologne, souvent perçu comme une initiative visant Ă harmoniser les diplĂ´mes europĂ©ens, est en rĂ©alitĂ© l’aboutissement de plusieurs dĂ©cennies d’efforts pour favoriser la coopĂ©ration et l’excellence acadĂ©mique en Europe. De la crĂ©ation d’Erasmus en 1987 Ă l’introduction des crĂ©dits ECTS dans les annĂ©es 1990, ces initiatives ont permis de surmonter progressivement les obstacles Ă la mobilitĂ© Ă©tudiante et de crĂ©er un cadre plus intĂ©grĂ© pour l’enseignement supĂ©rieur en Europe. Le Processus de Bologne a non seulement facilitĂ© la reconnaissance des diplĂ´mes, mais aussi renforcĂ© la place des universitĂ©s europĂ©ennes sur la scène internationale.
Pour aller plus loin
Processus vs. Accord
Il est important de comprendre pourquoi nous parlons de « Processus de Bologne » plutĂ´t que d’un simple accord. Le processus Ă©voque une dynamique de collaboration continue entre les pays europĂ©ens, impliquant un engagement Ă long terme pour l’harmonisation des systèmes d’enseignement supĂ©rieur. Ainsi, le Processus de Bologne qui rĂ©sulte de la signature de la dĂ©claration de Bologne, est encore en cours d’Ă©volution…
Notez Ă©galement qu’Ă ce stade, la signature d’une dĂ©claration, n’est en rien un processus lĂ©gislatif contraignant
Mobilité solo vs. mobilité organisée
C’est bien Ă partir de 1999, avec la formalisation de l’utilisation des crĂ©dits ECTS, que la mobilitĂ© solo a pu connaĂ®tre son essor. Les Ă©tudiants peuvent ainsi se permettre de poursuivre des Ă©tudes Ă l’Ă©tranger sans passer par des programmes d’Ă©change formels, Ă©largissant ainsi les opportunitĂ©s d’apprentissage au sein de l’EEES.
NB : les programmes de mobilitĂ© organisĂ©e incluent aussi bien les programmes Erasmus que les programmes d’Ă©tudes rĂ©sultat d’accords entre diffĂ©rents Ă©tablissements d’enseignement.
Évolution des crédits ECTS
La notion de crĂ©dits ECTS a Ă©voluĂ© depuis ses dĂ©buts. Aujourd’hui, ECTS signifie « European Credit Transfer and Accumulation System ». L’objectif est de permettre une meilleure reconnaissance des expĂ©riences acadĂ©miques et professionnelles, qu’elles soient acquises dans un cadre formel ou informel. Les crĂ©dits ECTS ont Ă©tĂ© conçus pour permettre la progression des individus dans leurs Ă©tudes. Ils seront vraisemblablement bientĂ´t utilisĂ©s plus largement comme lors de la Validation des Acquis de l’ExpĂ©rience (VAE) chez les professionnels voulant faire Ă©voluer leur parcours, comme par exemple pour accĂ©der Ă de nouvelles formations.
La Convention de Lisbonne
Signée en 1997, la Convention de Lisbonne a préparé le terrain pour le Processus de Bologne. Bien que son objectif principal soit la reconnaissance des compétences plutôt que l’équivalence des diplômes, elle a jeté des bases essentielles pour favoriser la coopération entre les systèmes d’enseignement supérieur européens.
Vous voulez en savoir plus ? Quelle est la diffĂ©rence entre les termes « équivalence des diplĂ´mes » et « reconnaissance des qualifications » ? Qu’est ce que cela implique si vous voulez Ă©tudier Ă l’Ă©tranger et revenir travailler en France ?
Suivez notre dossier sur les dispositions lĂ©gales encadrant les Ă©tudes Ă l’Ă©tranger !