Le Processus de Bologne et l’Harmonisation des DiplĂŽmes EuropĂ©ens

Bologne et l'Harmonisation des DiplĂŽmes

Le Processus de Bologne et l’Harmonisation des DiplĂŽmes EuropĂ©ens

À la fin des annĂ©es 1990, l’Europe se trouvait confrontĂ©e Ă  une fragmentation de ses systĂšmes Ă©ducatifs. Cette diversitĂ©, culturelle et acadĂ©mique, compliquait la reconnaissance des diplĂŽmes. Elle freinait la capacitĂ© des Ă©tablissements Ă  rivaliser avec les universitĂ©s amĂ©ricaines, qui dominaient la scĂšne mondiale. Les entreprises europĂ©ennes, elles aussi, avaient du mal Ă  s’orienter dans ce dĂ©dale de qualifications pour recruter des talents. C’est dans ce contexte que le Processus de Bologne, avec l’harmonisation des diplĂŽmes, a vu le jour en 1999.

Comment cet espace a-t-il su unifier les systĂšmes Ă©ducatifs europĂ©ens tout en respectant leur diversitĂ© ? Quelles rĂ©formes ont marquĂ© cette transformation et rĂ©pondu aux attentes des institutions comme des entreprises ? Cette quĂȘte d’harmonisation, loin d’ĂȘtre immĂ©diate, explique pourquoi on parle d’un processus de Bologne.

Les bases du Processus de Bologne

Officiellement, le Processus de Bologne a dĂ©butĂ© en juin 1999, avec la signature de la DĂ©claration de Bologne par 29 ministres europĂ©ens de l’Éducation. Ce texte fondateur a marquĂ© le lancement d’une rĂ©forme ambitieuse visant Ă  bĂątir un cadre commun pour l’enseignement supĂ©rieur en Europe: l’Espace europĂ©en de l’enseignement supĂ©rieur (EEES). DerriĂšre cet accord se profilaient deux grands objectifs. Le premier Ă©tait de renforcer la compĂ©titivitĂ© des universitĂ©s europĂ©ennes dans un monde globalisĂ©. Le second objectif, plus moral, Ă©tait de promouvoir une citoyennetĂ© europĂ©enne Ă©clairĂ©e. À la lumiĂšre des leçons tirĂ©es des guerres passĂ©es, et en permettant aux jeunes gĂ©nĂ©rations de toucher du doigt la diversitĂ© culturelle de leurs voisins, l’espoir Ă©tait alors de prĂ©venir les divisions et les conflits.

Pour concrétiser ces ambitions, quatre priorités ont été définies dÚs le départ :

1-Renforcer la compétitivité internationale des universités européennes

Les universitĂ©s amĂ©ricaines et asiatiques, dĂ©jĂ  trĂšs attractives, reprĂ©sentaient une concurrence grandissante. L’Europe devait agir pour attirer Ă©tudiants et chercheurs internationaux, et renforcer ainsi sa position sur la scĂšne mondiale de l’éducation.

2-Faciliter le recrutement des entreprises

En harmonisant les qualifications, le Processus de Bologne visait Ă  fluidifier le marchĂ© du travail europĂ©en. Les employeurs pouvaient ainsi mieux Ă©valuer les compĂ©tences des diplĂŽmĂ©s, indĂ©pendamment de leur pays d’origine. Toutefois, cet objectif a suscitĂ© des controverses, particuliĂšrement en France. Une partie de l’opinion publique y voyait alors une « marchandisation » de l’éducation et dĂ©nonçait l’influence croissante des entreprises dans le monde universitaire. Ces inquiĂ©tudes se sont cristallisĂ©es autour de la loi LRU (Loi relative aux libertĂ©s et responsabilitĂ©s des universitĂ©s Ă©galement appelĂ©e loi PĂ©cresse). Celle-ci encourageait, pour des raisons de financement, un rapprochement entre le secteur privĂ© et l’enseignement supĂ©rieur. Ce texte a Ă©galement soulevĂ© des craintes sur une inĂ©galitĂ© croissante entre les filiĂšres. Les filiĂšres jugĂ©es moins lucratives risquaient de bĂ©nĂ©ficier de moyens moins importants tandis que d’autres, davantage liĂ©es au monde de l’entreprise, auraient bĂ©nĂ©ficier d’investissements supĂ©rieurs.

3-Améliorer la qualité de la recherche universitaire

GrĂące au processus de Bologne, l’harmonisation des diplĂŽmes a permis d’amĂ©liorer la collaboration entre Ă©tablissements europĂ©ens. EncouragĂ©s par cette rĂ©forme, des projets de recherche d’une ampleur inĂ©dite ont vu le jour aboutissant Ă  des avancĂ©es significatives dans divers domaines scientifiques et sociaux.

4-Promouvoir la mobilité académique

Initialement un objectif secondaire, la mobilitĂ© acadĂ©mique est devenue l’un des symboles du Processus de Bologne. En simplifiant la reconnaissance des qualifications et en crĂ©ant des mĂ©canismes tels que les crĂ©dits ECTS, le processus a permis Ă  un nombre croissant d’étudiants et d’enseignants de circuler librement au sein de l’espace europĂ©en de l’enseignement supĂ©rieur.

Dans la pratique et pour harmoniser les études supérieures en Europe, trois éléments clefs ont été développés1,2:

  • L’adoption du systĂšme LMD,
  • Les crĂ©dits ECTS,
  • Et la mise en place d’un systĂšme d’assurance qualitĂ©.

Les RĂ©formes du SystĂšme d’Enseignement SupĂ©rieur: Le systĂšme LMD

L’une des rĂ©formes centrales apportĂ©es par le Processus de Bologne a Ă©tĂ© l’adoption d’un systĂšme de diplĂŽmes structurĂ© en trois cycles : Licence (Bachelor ou Grado), Master, et Doctorat. Ce cadre, commun Ă  tous les pays signataires a permis une meilleure reconnaissance des diplĂŽmes entre les nations europĂ©ennes. Il a aussi facilitĂ© les passerelles entre Ă©tablissements pour les Ă©tudiants.

  1. Le premier cycle : Licence (Grado ou Bachelor). Cette premiÚre étape correspond à un diplÎme de trois ou quatre ans, représentant 180 à 240 crédits ECTS. Il consiste à fournir aux étudiants une formation de base dans un domaine donné.
  2. Le deuxiĂšme cycle : Master. Le Master est un diplĂŽme de spĂ©cialisation qui suit la Licence. Il dure gĂ©nĂ©ralement un Ă  deux ans (60 Ă  120 crĂ©dits ECTS). Il s’agit d’un approfondissement des connaissances. L’Ă©tudiant se prĂ©pare alors soit Ă  un emploi qualifiĂ©, soit Ă  la poursuite d’Ă©tudes au niveau du Doctorat.
  3. Le troisiĂšme cycle : Doctorat. Le Doctorat, centrĂ© sur la recherche, est le dernier cycle. Bien qu’il ne soit pas dĂ©fini en termes de crĂ©dits ECTS, il reprĂ©sente en moyenne trois Ă  cinq annĂ©es de recherche aboutissant Ă  une thĂšse. Il joue un rĂŽle clef dans la production de connaissances nouvelles et l’innovation.

Les Crédits ECTS (European Credit Transfer and Accumulation System)

Le Processus de Bologne a introduit un outil clé : le systÚme de crédits ECTS (European Credit Transfer and Accumulation System) . Ils permettent de standardiser et harmoniser la maniÚre dont les diplÎmes sont mesurés et comparés. Chaque crédit ECTS représente environ 25 à 30 heures de travail étudiant (incluant les cours, travaux pratiques et travail personnel). Une année universitaire correspond généralement à 60 crédits ECTS.

Crédits ECTS

Si les crĂ©dits ECTS facilitent la mobilitĂ© des Ă©tudiants au sein de leur universitĂ© et de leur pays, ce systĂšme joue un rĂŽle central dans la reconnaissance des pĂ©riodes d’études Ă  l’étranger. Par exemple, un Ă©tudiant ayant validĂ© 60 crĂ©dits en SuĂšde peut facilement transfĂ©rer ses crĂ©dits s’il dĂ©cide de poursuivre ses Ă©tudes en Italie ou en France. De plus, le systĂšme ECTS permet globalement de clarifier la charge de travail associĂ©e Ă  chaque diplĂŽme. Il rend les qualifications plus transparentes pour les employeurs (Exit le DEUG, la MaĂźtrise, le DESS et DEA). Les crĂ©dits ECTS facilitent ainsi la mobilitĂ© acadĂ©mique en Europe, mais ils sont aussi un instrument pour amĂ©liorer la transparence des qualifications sur le marchĂ© du travail.

La mise en place d’un systĂšme d’assurance qualitĂ©

Un pilier central du Processus de Bologne et de l’harmonisation des diplĂŽmes a Ă©tĂ© l’instauration d’un systĂšme d’assurance qualitĂ©. Il garantit l’excellence acadĂ©mique et renforce la confiance dans les diplĂŽmes dĂ©livrĂ©s en Europe. L’objectif principal Ă©tait de s’assurer que les Ă©tablissements respectent des normes minimales, tout en encourageant une amĂ©lioration continue. Cet engagement a conduit Ă  la crĂ©ation de cadres communs d’évaluation et d’accrĂ©ditation, sans nĂ©gliger la diversitĂ© des traditions acadĂ©miques nationales. Les pays participants ont adoptĂ© des lignes directrices communes, notamment via l’Association europĂ©enne pour l’assurance qualitĂ© dans l’enseignement supĂ©rieur (ENQA – European Association for Quality Assurance in Higher Education) et les Standards and Guidelines for Quality Assurance in the European Higher Education Area (ESG). Ces mĂ©canismes renforcent ainsi vĂ©ritablement en profondeur la reconnaissance des qualifications et la mobilitĂ© acadĂ©mique et professionnelle.

L’ENQA signifiait Ă  l’origine European Network for Quality Assurance in Higher Education. Il a Ă©voluĂ© en 2004 vers un statut d’assosiation, mais son accronyme ENQA n’a pas changĂ© 😉.

Harmonisation des DiplĂŽmes EuropĂ©ens – L’objectif est il atteint ?

Le Processus de Bologne a transformĂ© en profondeur l’enseignement supĂ©rieur en Europe, non seulement en facilitant la mobilitĂ© acadĂ©mique, mais surtout en crĂ©ant un cadre commun pour renforcer la compĂ©titivitĂ© des universitĂ©s europĂ©ennes sur la scĂšne mondiale. GrĂące Ă  ces trois piliers, le processus de Bologne a permis d’amĂ©liorer la comparabilitĂ© des diplĂŽmes. En parallĂšle, la recherche universitaire a Ă©tĂ© renforcĂ©e. Cette harmonisation a contribuĂ© Ă  faire de l’Europe un espace Ă©ducatif et professionnel plus intĂ©grĂ©, capable de rĂ©pondre aux enjeux de la mondialisation et de mieux rivaliser avec les autres grandes rĂ©gions du monde en matiĂšre d’enseignement et d’innovation. De plus l’harmonisation ne s’est pas limitĂ©e pas Ă  la simple continuitĂ© des Ă©tudes Licence, Master, Doctorat. Elle a Ă©galement jouĂ© un rĂŽle clĂ© dans la reconnaissance des qualifications professionnelles, un enjeu crucial pour permettre aux diplĂŽmĂ©s de valoriser leurs compĂ©tences sur le marchĂ© du travail europĂ©en.


Le processus de Bologne, grĂące Ă  l’harmonisation des diplĂŽmes europĂ©ens a permis de rapprocher les systĂšmes Ă©ducatifs et d’amĂ©liorer la lisibilitĂ© des parcours acadĂ©miques. Cependant, l’équivalence automatique des diplĂŽmes reste encore une exception. Dans la plupart des cas, des mĂ©canismes spĂ©cifiques sont nĂ©cessaires pour garantir cette reconnaissance, tĂ©moignant de la complexitĂ© d’un espace Ă©ducatif diversifiĂ©.

C’est prĂ©cisĂ©ment cette dimension – la relation entre diplĂŽmes, qualifications et employabilitĂ© – qui sera explorĂ©e dans la suite de notre dossier sur les dispositions lĂ©gales encadrant les Ă©tudes Ă  l’étranger.


  1. Christine Musselin, Eric Froment et Marie-Odile Ottenwaelter, « Le Processus de Bologne : quels enjeux europĂ©ens ? », Revue internationale d’éducation de SĂšvres [En ligne], 45 | septembre 2007, mis en ligne le 23 juin 2011. Archive. ↩
  2. Christine Musselin. Les paradoxes de Bologne : l’enseignement supĂ©rieur français face Ă  un double
    processus de normalisation et de diversification
    . Merz Martina; Jean-Philippe Leresche; Martin Ben-
    ninghoff; Fabienne Crettaz von Roten. La fabrique des sciences : Des institutions aux pratiques,
    Presses polytechniques et universitaires romandes, pp.25 – 42, 2006, 9782880747169. hal-03571807. Archive. ↩