
En janvier 2022, une déclaration du président Emmanuel Macron sur le financement public de l’enseignement supérieur et la gratuité de l’université a suscité une vive polémique. Ses propos, tenus lors d’un discours devant la Conférence des présidents d’université, ont immédiatement été interprétés, par « certains » acteurs médiatiques et politiques, comme une annonce déguisée de la fin de la gratuité des études universitaires en France.
L’emballement qui s’en est suivi sur les réseaux sociaux et dans une partie de la presse a largement dépassé la teneur réelle des propos présidentiels. Loin d’une annonce officielle de hausse des frais d’inscription, la déclaration de Macron soulevait en réalité une question plus large : celle de la soutenabilité du modèle actuel de l’enseignement supérieur français. Ce débat, souvent pollué par la caricature et l’émotion, mérite d’être reposé avec rigueur.
Derrière cette controverse se dessinent des tensions structurelles qui ne datent pas d’hier : massification de l’accès à l’université, précarité croissante d’une partie des étudiants, faible performance de certaines filières, décalage entre orientation et insertion professionnelle, et modèle de financement. Ces enjeux ne concernent pas uniquement l’économie de l’enseignement supérieur, mais touchent aussi aux valeurs éducatives que la société française entend défendre : égalité d’accès, mérite, excellence, mobilité sociale.
Entre malentendus politiques et emballement médiatique
La déclaration présidentielle et son contexte
Le 13 janvier 2022, à l’occasion du Congrès de la Conférence des présidents d’université (rebaptisée France Universités), Emmanuel Macron a prononcé un discours centré sur les défis structurels de l’enseignement supérieur. C’est dans ce cadre qu’il a déclaré :
« On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants, où un tiers des étudiants sont considérés comme boursiers et où pourtant nous avons tant de précarité étudiante et une difficulté à financer un modèle qui est beaucoup plus financé par l’argent public que partout dans le monde. Si nous ne réglons pas ces problèmes structurels, nous nous mentirons à nous-mêmes. »
Ces propos s’inscrivent dans une séquence de réflexion amorcée depuis plusieurs années par le gouvernement sur la réforme de l’université française, jugée peu lisible, insuffisamment professionnalisante et mal articulée aux besoins économiques et sociaux. Le président y évoquait explicitement la nécessité d’une « transformation systémique » des universités, laissant entendre que le modèle actuel hérité d’une logique de massification amorcée dans les années 1980, avait atteint ses limites.
L’ambiguïté du vocabulaire employé, en particulier l’expression « système sans aucun prix » , a toutefois permis diverses interprétations. Loin d’une formulation juridique ou d’un engagement programmatique clair, la phrase a été lue par certains comme une critique implicite du principe de gratuité de l’enseignement supérieur public, pourtant largement admis comme fondement du système républicain.
Une réception révélatrice d’un débat verrouillé
La déclaration d’Emmanuel Macron a rapidement été relayée par plusieurs médias sous des titres alarmistes, suggérant une remise en cause de la gratuité de l’université. Sur les réseaux sociaux, les interprétations se sont emballées, oscillant entre accusation de privatisation et dénonciation d’un mépris des étudiants précaires. Pourtant, ni le président ni la ministre de l’Enseignement supérieur n’ont évoqué une augmentation des frais d’inscription. Le chef de l’État, interpellé par des lycéens quelques jours plus tard, s’est même défendu : « Je défie qui que ce soit de retrouver cette phrase. Je n’ai jamais dit ça. »
Cet épisode révèle une tension plus profonde : en France, l’enseignement supérieur reste un sujet extrêmement sensible, où toute tentative de réforme est perçue comme une menace contre les principes d’égalité et de service public. La gratuité universitaire, bien qu’en réalité partielle, conserve une valeur hautement symbolique. Dans ce contexte, penser une transformation du modèle devient difficile, tant le débat est parasité par la peur d’une marchandisation rampante. Or, c’est précisément cette impossibilité de réformer sereinement qui empêche aujourd’hui de répondre efficacement aux défis structurels de l’université.
L’enseignement supérieur français : un modèle sous tension
Au-delà de la controverse, les propos du président soulèvent une question essentielle : le modèle actuel de l’enseignement supérieur français est-il encore adapté à ses objectifs ?
Depuis les années 50, l’université a connu une forte massification. En 2023, plus de 2,9 millions d’étudiants sont inscrits dans l’enseignement supérieur, dont une large majorité dans les universités publiques. Cette démocratisation est une réussite en soi, mais elle s’est accompagnée de tensions croissantes : taux d’échec élevé en première année (près d’un étudiant sur trois ne valide pas sa L1), engorgement des filières générales, déséquilibre entre l’offre de formation et les débouchés réels.
À cela s’ajoutent des orientations par défaut, qui poussent des lycéens insuffisamment préparés vers des cursus généralistes, sans accompagnement suffisant ni perspectives claires. Dans ce contexte, la promesse de l’université comme ascenseur social se heurte à une réalité plus complexe.
Sur le plan financier, la situation est tout aussi fragile. Entièrement financé par l’État ou presque, avec des frais d’inscription symboliques, le modèle français se distingue en Europe. Mais cette gratuité partielle, à forte portée symbolique, repose sur un équilibre budgétaire de plus en plus difficile à maintenir, notamment à l’échelle des politiques publiques qui s’inscrivent dans le long terme. D’un autre côté, toute tentative de réforme se heurte à une méfiance immédiate, tant l’attachement au service public de l’éducation reste vif.
Faut-il pour autant remettre en cause la quasi-gratuité ? Le débat reste ouvert, mais la France se distingue par sa prudence face aux modèles libéraux d’autres pays, où l’instauration de frais élevés s’est souvent accompagnée d’un creusement des inégalités.
Quelles leçons tirer des modèles étrangers ?
Face aux tensions qui traversent l’enseignement supérieur français, il est pertinent d’observer les choix faits dans d’autres pays. L’objectif n’est pas d’importer mécaniquement des modèles, mais de nourrir une réflexion sur les différents équilibres entre accessibilité, qualité, orientation et financement.
L’Espagne : sélection, orientation précoce et revalorisation des filières courtes
Le système espagnol se distingue d’abord par une sélectivité à l’entrée dans l’enseignement supérieur public. L’accès aux universités repose sur une note moyenne combinant les résultats du lycée et un examen national (la Selectividad), ce qui permet une régulation plus fine des flux étudiants et une meilleure adéquation entre offre de formation et demande.
Par ailleurs, l’Espagne se caractérise par un taux élevé de recours aux universités privées et, surtout, par une valorisation sociale plus forte des filières professionnelles. De nombreux jeunes choisissent des parcours courts et spécialisés (formation professionnelle supérieure, Formación Profesional de Grado Superior), perçus comme des voies légitimes d’insertion et de progression sociale, et non comme des solutions par défaut.
Ce modèle s’oppose à la logique française d’orientation tardive et peu différenciée.
Modèles anglo-saxons : un financement individuel
À l’opposé du modèle français, le Royaume-Uni et les États-Unis ont fait le choix d’un financement largement assumé par les étudiants, via des droits d’inscription élevés. Dans les deux cas, ce système s’est imposé progressivement, dans un contexte de massification de l’enseignement supérieur, de diversification de l’offre universitaire, mais aussi de volonté politique de désengagement partiel de l’État.
Au Royaume-Uni, par exemple, les frais d’inscription ont été introduits à la fin des années 1990, puis ont fortement augmentés. Ce coût est généralement couvert par un prêt public que les étudiants remboursent une fois insérés professionnellement. Aux États-Unis, les frais sont souvent plus élevés encore, notamment dans les universités privées, et l’endettement étudiant y constitue un enjeu politique et social majeur.
Ces systèmes reposent sur une logique d’investissement personnel : l’étudiant est vu comme acteur autonome de son parcours. Mais ce modèle a des effets indésirables:
- Il peut renforcer les inégalités sociales d’accès, malgré les dispositifs de bourses.
- Il pousse les étudiants à raisonner en termes de rentabilité immédiate des diplômes.
- Il expose une partie d’entre eux à une pression financière durable, avec un remboursement de prêt étalé sur plusieurs années.
- Il influence parfois le choix des études en fonction du coût anticipé plutôt que de l’intérêt académique ou du projet professionnel.
Autrement dit, le mode de financement n’est jamais neutre : il reflète une certaine vision du rôle de l’université. Dans les pays anglo-saxons, l’enseignement supérieur est perçu avant tout comme un outil de mobilité individuelle et de compétitivité. En France, la tradition républicaine l’inscrit davantage dans un projet collectif de formation, d’émancipation et de cohésion sociale. Comme l’a montré la réception des propos présidentiels, toute réforme en France touche à des représentations profondément ancrées. Vouloir réformer sans prendre en compte cette culture politique et sociale, c’est risquer de heurter plus que de transformer..
Étudier à l’étranger : un révélateur et un recours
Dans ce contexte, l’expérience des étudiants français qui choisissent d’étudier à l’étranger offre un éclairage intéressant. En tant que professionnel de l’accompagnement vers les études internationales, j’observe que ces choix sont rarement motivés par une simple volonté d’exil. Ils relèvent souvent d’une recherche de clarté dans l’orientation, d’un meilleur encadrement pédagogique, ou d’un équilibre plus lisible entre coût et qualité de la formation.
Certains pays européens comme l’Espagne, les Pays-Bas ou l’Allemagne, offrent des systèmes à la fois exigeants, structurés et plus sélectifs, qui permettent à l’étudiant de s’inscrire plus tôt dans un projet cohérent. Ces destinations sont perçues comme plus lisibles, parfois plus justes, et mieux connectées au monde professionnel.
À ce titre, la mobilité internationale n’est pas seulement une opportunité individuelle, mais aussi un miroir critique pour notre propre système. Elle révèle ce que de nombreux étudiants recherchent : un enseignement clair, professionnalisant, bien encadré et aligné avec un projet d’avenir.
Dans ce contexte, une question essentielle se pose : vers quel modèle l’université française est-elle en train d’évoluer ?
Les signaux restent partiels, mais plusieurs pistes semblent se dessiner. On parle d’une sélectivité plus marquée à l’entrée, notamment via la généralisation des attendus de parcours, dans une logique proche du modèle espagnol. Le débat sur les droits d’inscription différenciés selon les revenus ressurgit régulièrement, à l’image de ce qui existe déjà dans certains pays nordiques ou anglo-saxons.
En somme, le modèle français semble chercher un nouvel équilibre : maintenir un accès large, tout en introduisant des éléments de régulation et de responsabilisation.
Donc, pour de nombreux étudiants et leurs familles, une réalité s’impose : le système n’aura pas les moyens d’aider tout le monde. Le président Macron l’a dit lui-même : « On ne pourra pas rester durablement dans un système où l’enseignement supérieur n’a aucun prix pour la quasi-totalité des étudiants. »
L’accès aux bourses sur critères sociaux pourrait devenir plus restreint, et les filières les plus demandées, plus sélectives dès l’entrée. Quant à l’encadrement dans les universités, un facteur clé de réussite, son avenir reste incertain.
Dans ce contexte, attendre une réponse collective peut ne pas suffire.
C’est pourquoi il devient essentiel de regarder ailleurs, non pas par renoncement, mais bien par stratégie. Étudier à l’étranger, c’est parfois accéder à une sélection plus lisible, à un accompagnement plus structuré, à un projet plus cohérent.
C’est aussi faire un choix actif, réfléchi, celui de ne pas subir un cadre qui ne vous correspond pas, mais d’en choisir un autre, parmi ceux qui existent déjà.
Le moment est peut-être venu de se préparer sérieusement à cette option.
Sources:
- Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, sur la politique du gouvernement dans le domaine des universités, à Paris le 13 janvier 2022. Vie-publique.fr, prononcé le 13 janvier 2022
- Mathurin, Jason. 2022. « Université: Emmanuel Macron réfute ses propos sur la fin de la gratuité ! » , MCE TV – Ouest France, 25 janvier
- Anemoyannis, Ariane, et Nur, Alberta. 2022. » Macron veut rendre la fac payante : luttons pour une université gratuite et ouverte à tous ! » , Révolution Permanente17 janvier
- Jackowski, Nina. 2022. « Je n’ai jamais dit ça »: Macron revient sur la polémique sur la fin de la gratuité de l’université » , BFMtv, 24 janvier
- Michelon, Vincent. 2022. « Vers une université payante ? « Je n’ai jamais dit ça », assure Emmanuel Macron » , TF1info24 janvier
- Duru-Bellat, Marie. 2022. « Gratuité des études supérieures : pour qui et pour quoi ? » Alternatives Economiques, 31 janvier
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