La Semana Santa en Espagne : une semaine de traditions, de spiritualité et de vacances

En France, on attend les vacances de printemps avec impatience. Elles marquent souvent le retour du soleil, les sorties au bord de la mer ou à la campagne.
En Espagne, à la même période (et cette année en 2025, cela tombe fin mars) c’est la Semana Santa, la Semaine Sainte. Une ambiance bien différente !
Profondément ancrée dans la culture espagnole, cette semaine est à la fois religieuse, festive… et, rassurez-vous, elle rime aussi avec vacances.
Une semaine au cœur de la tradition espagnole
La Semana Santa est sans doute l’une des fêtes les plus importantes de l’année en Espagne. Elle débute avec le Domingo de Ramos (Dimanche des Rameaux), qui commémore l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem, acclamé par la foule brandissant des rameaux. En Espagne, on n’utilise pas de branches d’olivier comme en France, mais des palmas (palmes) blanches, issues du palmier dattier (Phoenix dactylifera L.), tressées et blanchies à la chaux. Traditionnellement, les enfants les portent à l’église pour les faire bénir.

La semaine qui suit retrace les derniers jours de la vie de Jésus :
- Lundi : Jésus chasse les marchands du Temple et enseigne à Jérusalem.
- Mardi : Discours sur le mont des Oliviers (prophéties de la fin des temps).
- Mercredi : Parfois appelé Mercredi Saint, il marque, selon la tradition, la trahison de Judas.
- Jeudi Saint : Dernier repas du Christ, lavement des pieds des apôtres.
Puis vient ce que l’on appelle la Passion du Christ. Attention, spoiler sur le film de 2 heures de Mel Gibson !: le baiser de Judas, l’arrestation dans la nuit du jeudi, les procès à l’aube du vendredi, la crucifixion et la mort dans l’après-midi du Vendredi Saint, avant la résurrection le Dimanche de Pâques.
Cette période, à la fois dramatique et spirituelle, est au cœur de toutes les célébrations.
Plus qu’une simple commémoration religieuse, la Semana Santa en Espagne est une tradition vivante, transmise de génération en génération. Dans certaines régions, elle occupe une place encore plus marquante que Noël !
En France, Pâques reste souvent une fête discrète, centrée sur un repas familial avec l’agneau pascal suivi de la chasse aux œufs en chocolat. En Espagne, au contraire, cette semaine se vit dans la rue. Partout dans le pays, des cofradías (confréries) et hermandades (fraternités religieuses), parfois plusieurs fois centenaires, organisent des processions impressionnantes. Elles portent de grands pasos (chars), décorés de statues représentant des scènes de la Passion ou la Vierge Marie. Ces structures massives sont portées par les costaleros (porteurs), dont seuls les pieds dépassent sous le dais.
Les cortèges avancent au rythme des marchas procesionales (marches de procession), jouées par des bandas (fanfares). On y voit défiler les nazarenos (nazaréens ou pénitents), vêtus de longues robes et coiffés de hauts capuchons pointus (capirotes 👻😱), marchant parfois pieds nus en signe de pénitence.

Mais ce que l’on retient souvent le plus… c’est l’odeur envoûtante de l’incienso (encens), diffusée dans les rues par les acólitos (acolytes), balançant leurs incensarios (encensoirs) au rythme lent des processions.
La Semana Santa en images
Avant la passion, les palmes… et les flammes !
Avant la Semana Santa, l’Espagne connaît d’autres temps forts culturels ou religieux. À Valence, par exemple, le mois de mars est rythmé par les Fallas, une fête populaire et spectaculaire qui trouve son apogée le 19 mars, jour de la Saint Joseph (San José), saint patron des charpentiers (et dans la tradition chrétienne, père terrestre de Jésus). Si cette fête n’a pas de lien direct avec la Semaine Sainte, elle s’inscrit dans le calendrier printanier espagnol et fait partie des événements marquants du début d’année.
Sur le plan religieux, la Semana Santa s’inscrit ainsi dans un cycle liturgique plus large, centré autour du dimanche de Pâques. Elle marque la fin du Carême (Cuaresma), une période de quarante jours (hors dimanches) qui commence le mercredi des Cendres (Miércoles de Ceniza) et s’achève le jeudi saint (Jueves Santo). Inspiré, entre autres, des quarante jours de Jésus dans le désert et des quarante ans de l’Exode du peuple hébreu, le Carême a été structuré au IVᵉ siècle comme un temps de jeûne et de recueillement. S’il s’est assoupli au fil des siècles, il reste aujourd’hui associé à une certaine sobriété, en particulier dans l’alimentation. Les croyants sont ainsi invités à limiter la consommation de viande, à éviter les excès et à se recentrer sur des valeurs spirituelles.
Dans les détails:
La Semaine Sainte elle-même fait partie du cycle pascal, qui s’étend jusqu’à la Pentecôte. Ce cycle commence avec le mercredi des Cendres (46 jours avant Pâques), puis inclut le jeudi de l’Ascension (40 jours après Pâques) et se termine avec le dimanche de Pentecôte (50 jours après Pâques). Toutes ces fêtes sont mobiles : elles changent de date chaque année car elles dépendent du dimanche de Pâques, lui-même fixé selon un calcul astronomique. Cette date de référence est donc elle même mobile car elle tombe le dimanche suivant la première pleine lune après l’équinoxe de printemps (L’équinoxe de printemps étant fixée au 21 mars, elle est , par définition fixe). Ainsi, Pâques peut avoir lieu entre le 22 mars et le 25 avril, ce qui décale chaque année la Semana Santa.
Et c’est là que les calendriers divergent : en France, les vacances de printemps sont réparties sur plusieurs semaines selon les zones académiques. En Espagne, la Semana Santa concentre les congés scolaires sur une seule semaine, celle qui précède Pâques. Résultat : les dates ne coïncident pas toujours ! Voici un aperçu comparatif :
Année | Semana Santa (ES) | Zone A (FR) | Zone B (FR) | Zone C (FR) |
---|---|---|---|---|
2024 | 24 mars – 31 mars | 6–22 avril | 23 mars – 7 avril | 13–28 avril |
2025 | 13–20 avril | 19 avril – 4 mai | 5–21 avril | 12–27 avril |
2026 | 29 mars – 5 avril | 18 avril – 3 mai | 11–26 avril | 4–19 avril |
2027 | 21–28 mars | 20 mars – 4 avril | 27 mars – 11 avril | 10–25 avril |
À noter : à partir de 2027, la répartition des zones scolaires françaises pourrait être revue, passant potentiellement de 3 à 2 zones.
En Espagne, tout le pays s’arrête donc en même temps. Les étudiants prennent une pause bien méritée et de nombreuses administrations ferment leurs portes, comme l’UNEDasiss, les universités ou encore certains services publics. Les Espagnols en profitent souvent pour rentrer chez eux en famille et participer aux festivités locales. Les expatriés qui rentrent chez eux manquent une semaine riche sur le plan culturel.
L’Andalousie : quand la Semana Santa prend une autre dimension
S’il y a bien une région où la Semana Santa prend une dimension spectaculaire, c’est l’Andalousie. Dans le sud de l’Espagne, cette semaine est vécue avec une intensité difficile à décrire… et encore plus difficile à oublier. Les processions, organisées par de nombreuses cofradías s’enchaînent du dimanche des Rameaux au dimanche de Pâques, parfois jusque tard dans la nuit. Les pasos avancent lentement au rythme des tambours et des marchas procesionales.
Les rues sont noires de monde, les balcons décorés, et toute la ville semble suspendue à ces instants. Pour les Espagnols comme pour les visiteurs, la Semana Santa andalouse n’est pas simplement une fête religieuse : c’est un événement culturel majeur, où se mêlent la foi, l’art, la musique et la tradition.
La Semana Santa en Andalousie en chiffres
- À Séville, plus de 50 000 membres de cofradías participent aux processions, portant 116 pasos à travers la ville. Les processions s’étendent du matin jusqu’à tard dans la nuit, traversant des lieux emblématiques comme la Puerta de Carmona et la Plaza del Duque.
- À Málaga, la ville accueille 45 processions organisées par 42 cofradías. Chaque procession implique souvent plus de 1 000 participants. Une procession particulièrement impressionnante est celle de la Légion espagnole, qui porte le Christ de la Buena Muerte.
- À Grenade, en 2025, la ville a vu la participation de 32 cofradías dans autant de processions. Certaines, comme celle de la Hermandad del Trabajo, comptaient plus de 1 100 participants. Ils traversent des quartiers historiques et escarpés tels que l’Albaicín, de la Cuesta de Aixa mais aussi celui de l’Alhambra.
Une star Hollywoodienne au cœur de la Semana Santa
Originaire de Málaga, Antonio Banderas est un participant actif de longe date de la Semana Santa. Il est le mayordomo (intendant) du trône de la Virgen de Lágrimas y Favores, appartenant aux Reales Cofradías Fusionadas. Chaque année, il mène la procession du dimanche des Rameaux, exprimant ainsi son attachement profond à sa ville natale et à ses tradition.
L’actu en images 📸 :
Les saveurs pascales d’Espagne 🍞 : simplicité et transmission
Pendant la Semana Santa, on ne parle pas de desserts sophistiqués, mais de préparations sucrées simples, souvent faites maison et profondément enracinées dans les traditions familiales. Elles se partagent tout au long de la journée, autour d’un café ou d’un chocolat chaud, et surtout… entre générations : les grands-parents adorent en offrir à leurs petits-enfants, perpétuant ainsi des gestes et des recettes anciennes.
Parmi les incontournables :
- Les torrijas : souvent comparées au pain perdu, elles s’en distinguent pourtant. On n’utilise pas ici du pain rassis, mais un pain sucré spécial, plus dense, parfois vendu exprès pour l’occasion. La version la plus classique consiste à tremper les tranches dans une préparation à base de lait aromatisée (vanille, citron, orange), puis à les frire avant de les saupoudrer de sucre et de cannelle. Mais il existe aussi des versions « nature », plus légères, et d’autres plus modernes, comme les torrijas au chocolat pour les plus gourmands. Cette spécialité est aujourd’hui répandue dans toute l’Espagne, mais ses origines sont souvent situées en Castille.
- Les monas de Pascua : dans l’Est de l’Espagne (Catalogne, Communauté valencienne, Murcie), ce petit gâteau est offert traditionnellement par les parrains et marraines à leurs filleuls. Il est souvent décoré et surmonté d’un œuf dur, bien que les versions modernes utilisent désormais un œuf en chocolat. C’est une jolie tradition qui symbolise la fin du Carême et le retour des plaisirs simples.
- Les pestiños : typiques d’Andalousie, notamment à Séville, Cadix ou Jerez de la Frontera, ces beignets parfumés à l’anis ou au sésame sont frits et généreusement nappés de miel ou roulés dans le sucre. Leur texture croustillante et leur parfum évoquent immédiatement les fêtes religieuses du sud.
Ces spécialités, préparées à base de produits du quotidien comme le pain, la farine, l’huile d’olive, le miel ou les œufs, rappellent qu’en Espagne, même en période de sobriété, les festivités savent toujours allier saveur, générosité et transmission.
Une semaine de grands départs… pour les Espagnols comme pour les Français 🧳
La Semana Santa en Espagne , c’est aussi une période de grands déplacements, qu’ils soient familiaux, touristiques ou culturels. Dans les médias espagnols, on parle même d’ « operación salida » ou de « gran escapada » !
En Espagne, les universités, les écoles et de nombreuses administrations ferment leurs portes. Beaucoup d’étudiants en profitent pour rentrer dans leur famille, parfois à l’autre bout du pays, pour partager ces fêtes avec leurs proches. D’autres Espagnols choisissent plutôt de partir en vacances, souvent dans le sud de la péninsule ou vers les îles, à la recherche de soleil et de douceur printanière.
Pendant cette semaine, les grandes villes se vident partiellement, tandis que les zones côtières, les hauts lieux religieux et les villes emblématiques de la Semaine Sainte (comme Sevilla, Málaga, Granada, Valladolid, Zamora, Lorca ou Lleida) se remplissent de visiteurs. Parmi eux, on croise… de nombreux Français ! Chaque année, ils franchissent les Pyrénées pour profiter à la fois du climat, des traditions vivantes et de l’ambiance unique qui règne dans les rues. Soleil, ferveur populaire, accueil chaleureux : tous les ingrédients sont réunis pour quelques jours de vacances agréables… et pour mieux comprendre ce qui rend l’Espagne si attirante, aussi bien pour les touristes que pour les étudiants.
Vous pensiez que la Semana Santa en Espagne n’était qu’une série de processions religieuses?
Détrompez-vous ! C’est l’un des exemples de fêtes spectaculaires que l’Espagne sait organiser comme nulle part ailleurs. Ici, on ne fait jamais les choses à moitié : tout est préparé avec cœur, avec passion… et une énergie contagieuse qui se ressent toute l’année.
Et c’est aussi ce qui rend la vie en Espagne si agréable. On y trouve un vrai équilibre : des universités reconnues, un cadre de vie ensoleillé, et une énergie résolument positive. Pas étonnant que tant d’étudiants européens choisissent d’y poser leurs valises : en Espagne, on ne fait pas que travailler ou étudier… on vit pleinement.